“Nous ne voulons plus compter les mortes” : des milliers de personnes, dont beaucoup portaient une touche de violet, la couleur du féminisme, ont manifesté samedi 25 novembre à Paris et dans les grandes villes françaises contre les violences faites aux femmes, réclamant au gouvernement des moyens supplémentaires.
Pour cette Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, associations féministes et syndicats avaient appelé à manifester dans toute la France pour une meilleure protection des femmes victimes de violences.
À Paris, la marche a rassemblé 80 000 personnes entre la place de la Nation et la place de la République selon Nous toutes et la CGT, 16 500 personnes selon la préfecture de police.
La “persistance de la violence faite aux femmes n’est pas une fatalité”, “nous devons y mettre fin et nous allons le faire”, a déclaré le président de la République dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux samedi matin.
Emmanuel Macron a énuméré les actions déjà mises en place – élargissement des horaires du 3919, mise en place d’une plateforme numérique d’accompagnement, facilitation du dépôt de plainte, augmentation du nombre d’enquêteurs dédiés, déploiement de “téléphones grave danger” et de “bracelets danger immédiat”, création de places d’hébergement d’urgence – et s’est félicité d’efforts “qui ont porté leurs fruits”.
Mais pour les associations féministes, les syndicats et des personnalités de gauche, on est loin du compte.
“Les réformes à la marge ne suffisent pas”, a déclaré samedi lors d’un point-presse Maëlle Lenoir, de la coordination nationale du collectif Nous toutes. Le collectif évalue à “plus de deux milliards d’euros” le montant requis pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes.
Même chiffre avancé par Sophie Binet, numéro 1 de la CGT, qui s’exprimait au nom de l’intersyndicale aux côtés de Marylise Léon, à la tête de la CFDT, avant le début de la manifestation : “Nous demandons des moyens financiers, deux milliards d’euros, pour avoir une politique globale contre les violences sexuelles et sexistes, au travail et dans la vie” quotidienne.
Le mouvement Grève féministe avait appelé lui aussi à se joindre aux rassemblements sur le territoire.
Sur TF1, la députée La France insoumise Clémentine Autain a estimé qu’il faudrait “entre deux et trois milliards” d’euros, “soit l’équivalent de l’impôt sur la fortune qu’a supprimé Emmanuel Macron”.
“Nous ne voulons plus compter nos mortes”, a martelé de son côté Maëlle Lenoir. “Nous ne voulons plus avoir à manifester.”
“On ne naît pas femme mais on en meurt”
En 2022, 118 féminicides ont été recensés, un chiffre quasi stable par rapport à 2021, selon les chiffres officiels. Sur les 11 premiers mois de 2023, les associations féministes ont répertorié 121 féminicides.
Dans toute la France, les manifestants – beaucoup de femmes mais aussi des hommes – ont défilé dans une ambiance festive et dansante, au son des tambours, de chansons féministes ponctuées par des vagues de sifflets. Et ce, sous une marée de pancartes violettes : “Protégez vos filles, éduquez vos fils” (Lyon), “En France, un viol toutes les six minutes” (Lille), “On ne naît pas femme mais on en meurt”, “Danser sans être droguée”, “Quand je sors, je veux être libre, pas courageuse” (Strasbourg), “Ras le viol” (Paris).
À Toulouse, Aty, Iranienne de 35 ans, l’empreinte rouge vif d’une main peinte sur le visage, levait une pancarte “Violeur on te voit, victime on te croit”.
“Je suis d’une génération où, lorsqu’il arrivait un problème de violences ou de maltraitance dès l’enfance, on cachait les choses, on gardait secret. Aujourd’hui, la parole s’est libérée”, se réjouit Anne Tatareau, 62 ans, jeune retraitée qui défilait à Bordeaux.
À Nantes, des femmes se sont rassemblées autour d’un (faux) cercueil peint en rouge, muni d’une fente, dans laquelle elles ont glissé des affichettes imprimées du mot “Féminicide” en égrenant les noms de femmes tuées par un homme.
La guerre Israël-Hamas s’est invitée dans la manifestation parisienne : on y a trouvé quelques drapeaux palestiniens. Et un peu plus loin, des pancartes proclamant “Le Hamas viole”.
Quelque 200 manifestantes étaient venues pour “dénoncer les féminicides contre les femmes israéliennes commis par le Hamas”, a expliqué Maya, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. “Mais les forces de l’ordre nous ont demandé de retirer notre banderole ‘pour notre sécurité’ et nous n’avons pas défilé.”