La loi sur la restauration de la nature, élément clé du Pacte vert européen, fixe des objectifs contraignants pour réhabiliter les habitats dégradés et les espèces disparues.
Le projet de loi est au centre d’une campagne d’opposition menée par les partis conservateurs qui veulent abroger complètement le texte.
Le Parlement européen a donné jeudi sa première évaluation mais n’a pas réussi à régler la controverse grandissante.
Au cours d’une session très suivie de la commission Environnement, les députés devaient décider s’ils rejetaient la loi dans son intégralité, une option radicale rarement utilisée, ou s’ils poursuivaient le processus par le biais d’amendements.
Les 88 membres de la commission ont voté par 44 voix pour et 44 voix contre.
Il a manqué une voix à la motion de rejet, déposée par le Parti populaire européen (PPE), pour briser l’égalité. Autrement dit, cela signifie que la proposition est passée par la plus petite marge possible.
Le résultat a suscité des applaudissements dans la salle comble de la part des eurodéputés socialistes, verts et de gauche, qui se sont réjouis de la survie du texte.
Les parlementaires conservateurs, quant à eux, sont restés de marbre.
La commission parlementaire s’est ensuite penchée sur une longue liste d’amendements, dont beaucoup reprenaient la marge de 44-44. Mais après plus de trois heures de vote, les députés ont réalisé qu’ils n’avaient pas le temps de terminer la session et d’organiser un vote sur l’ensemble du texte, une étape nécessaire pour le soumettre à une session plénière complète.
Pascal Canfin, l’eurodéputé français président la commission Environnement, a choisi de reporter le dossier au 27 juin, date à laquelle les législateurs auront la possibilité de conclure le processus.
Ce report accentue l’incertitude autour de cette loi et lance un nouveau cycle dans la lutte politique qui l’entoure.
Le PPE, la première formation de l’hémicycle, est à l’origine d’une campagne d’opposition contre le projet de loi.
Les chrétiens-démocrates affirment que ce texte, dans sa forme actuelle, entraînera des pertes économiques désastreuses pour les agriculteurs et les pêcheurs, mettra en danger les chaînes d’approvisionnement de l’Europe, augmentera les prix des denrées alimentaires pour les consommateurs et entravera le déploiement des énergies renouvelables.
Ces affirmations sont contestées par les partis de gauche, les ONG et le secteur privé, qui soutiennent que la restauration de la nature est compatible avec l’activité économique et peut contribuer à garantir la viabilité à long terme des sols et des récoltes.
L’intensité de la bataille s’est accrue à l’approche du vote de jeudi. Ce scrutin s’est transformé en un procès aux enjeux sur le Pacte vert européen.
César Luena (S&D), rapporteur du texte, a qualifié le vote de jeudi de “très bonne nouvelle” et a dénoncé le PPE pour avoir adopté une position conciliante avec “l’extrême droite” et qui a entraîné le Parlement dans les problèmes internes du parti.
“C’est vraiment fou“, a-t-il expliqué à Euronews. “La nature n’est pas coupable de la stratégie électorale du PPE en Europe“.
Christine Schneider (PPE) n’a pas caché sa déception et a pointé du doigt Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne en charge du Pacte vert.
“C’est la conséquence d’une loi très mal faite“, a déclaré l’eurodéputée allemande à Euronews.
“La proposition de la Commission n’est pas bonne. Nous avons dit pendant neuf mois ce que nous voulions, et maintenant c’est le résultat du travail du vice-président Timmermans, qui se poursuit aujourd’hui avec le vote“.
Qu’est-ce que la loi sur la restauration de la nature ?
La loi sur la restauration de la nature a été présentée par la Commission européenne en juin 2022.
Cette législation est qualifiée de “première loi globale de ce type à l’échelle du continent“. Elle vise à restaurer les habitats et les espèces qui ont été dégradés par l’activité humaine et le changement climatique.
Selon la Commission, 81 % des habitats européens sont en mauvais état, les tourbières, les prairies et les dunes étant les plus touchées.
La loi fixe des objectifs juridiquement contraignants dans sept domaines spécifiques, des insectes pollinisateurs aux écosystèmes marins, qui, ensemble, devraient couvrir au moins 20 % des zones terrestres et maritimes de l’UE d’ici à 2030.
Dans le cadre de ce plan, les États membres sont invités à élaborer un plan national de restauration, présentant les projets et les initiatives qu’ils souhaitent mettre en œuvre pour atteindre l’objectif global.
Parmi les actions possibles figurent la plantation d’arbres, l’apiculture, la réhumidification des tourbières asséchées et l’extension des espaces verts dans les zones urbaines.
Lors de sa présentation, la loi sur la restauration de la nature a été bien accueillie par les organisations environnementales, qui ont salué des objectifs contraignants et le champ d’application étendu. En revanche, elle a déclenché une vive réaction de la part des agriculteurs, des pêcheurs et des forestiers, qui ont vu dans ce texte une menace directe sur leurs ressources et leur mode de travail.
Le PPE s’est appuyé sur cette réaction pour lancer sa campagne d’opposition qui, selon ses détracteurs, est fortement influencée par les prochaines élections européennes.