Lors d’un point presse organisé à Lyon début mars 2023, l’IFP Energies nouvelles a présenté ses axes de travail autour des transports et de la décarbonation. Il a rappelé que « l’électricité produit aussi du CO2 ». Il a évoqué une autre préoccupation passée sous silence : selon lui il faut privilégier « les énergies les plus denses pour économiser l’espace et prévenir les conflits d’usage ».
Tout d’abord, il y a lieu de tordre le cou à une « légende urbaine » savamment colportée par les activistes des réseaux sociaux qui, sous prétexte que l’IFP signifie Institut Français du pétrole, en font un défenseur des intérêts pétroliers. Rappelons donc que l’IFP Energies nouvelles intervient comme « tiers de confiance » pour l’Etat français et ses services depuis 1944. Que cet établissement public industriel et commercial a également une mission de formation pour les ingénieurs via l’IFP School. Pierre-Franck Chevet Président de l’IFP Energies nouvelles, rappelle que les activités « décarbonées » représentent désormais 71% de l’activité de l’institut. Même la part dédiée aux hydrocarbures (soit 29% en 2022) est orientée vers les domaines dits « renouvelables et rentables ».
Un oxymore ? Non, si l’on prend en compte des solutions sur lesquelles l’IFP Energies nouvelles est très avancé comme la capture et le stockage du CO2. Un sujet qui dépasse le cadre de l’industrie pétrolière et intéresse des activités très énergivores comme la métallurgie ou la production d’énergie électrique à partir de ressources fossiles. Sur les activités de recherche, l’IFP Energies nouvelles fait partie, avec le CEA et le CNRS des organismes les plus actifs en Europe en matière de dépôt de brevets et de programmes de recherches. Face aux effectifs des Instituts Fraunhofer allemands, du CNRS voire du CEA, les 1095 chercheurs de l’IFP Energies nouvelles font preuve d’une belle productivité.
L’occasion de faire quelques mises au point
Si Pierre-Franck Chevet confirme que les transports (tous modes confondus) représentent 31% des émissions de dioxyde de carbone de la France. Certes, la combustion des hydrocarbures en est responsable mais il rappelle une évidence oubliée : « l’électricité produit aussi du CO2 ». Il évoque une autre préoccupation passée sous silence : selon lui il faut privilégier « les énergies les plus denses pour économiser l’espace et prévenir les conflits d’usage ». Prenant en exemple les éoliennes et le besoin de développer leurs applications en haute-mer. Bien que l’électricité thermo-nucléaire soit de compétence CEA, il rappelle que « l’énergie électronucléaire est, à ce titre, très avantageuse ». Ce sujet de densité énergétique est encore plus crucial à bord des véhicules industriels.
L’IFP Energies nouvelles relève que l’on est arrivé à un « effet ciseau entre les hydrocarbures et les énergies renouvelables ». Avec 1 440 milliards de dollars US en 2022 (+ 10% vs. 2021) contre 900 pour les énergies fossiles, la bascule est en cours.
Mais, comme le rappelle Pierre-Franck Chevet : « c’est insuffisant pour viser les 2 scénarii de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Pour viser les objectifs annoncés, ou plus ambitieux encore, le Zéro émissions nette de carbone, il faudrait 2 voire 3 fois ces montants d’investissements (soit, 3 000 voire 4 000 milliards de dollars US à investir par an !). Ce qu’il ne dit pas, c’est que l’on peut craindre également que la réduction des investissements dans les énergies fossiles prépare une nouvelles crise pétrolière alors que la demande d’énergie mondiale ne cesse de croître hors du périmètre OCDE. Dans l’immédiat, pour 2023, le président de l’IFPEN déclare : « je me garderai bien de faire un pronostic sur le prix des énergies ». Cela en dit long sur la volatilité des prix et n’est pas rassurant.
Electromobilité et métaux critiques
L’IFPEN continue sa veille avec l’Institut Français des Relations Internationales et stratégiques (IRIS) sur les matériaux dits critiques liés à l‘électro-mobilité. Les données 2022 sont inquiétantes : les cours du lithium (désormais aussi spéculatif que le pétrole brut) ont crû de +330%, ceux du cobalt de +47% et du nickel de +57%. L’IFP Energies nouvelles écrit à propos des besoins en métaux critiques pour la transition énergétique qu’il faudrait multiplier par 4 leur production (extraction et raffinage) pour atteindre les objectifs climatiques de 2040. Plus inquiétant encore : la demande frôle les ressources mondiales disponibles pour le cuivre (ratio de demande cumulée rapportée aux ressources à 89.4%). La situation n’est guère meilleure pour le bauxite (minerai nécessaire pour la production de l’aluminium, métal privilégié pour alléger les véhicules et fabriquer les coffrages des packs batteries) avec 87.1% ou le cobalt (83.2%). Pierre-Franck Chevet, président de l’IFPEN précise lors de la conférence que « cela fait émerger de nouvelles préoccupations comme l’économie circulaire et l’importance du recyclage, la préservation des ressources -notamment minérales-, la qualité de l’air et de l’eau dans les filières de la transition énergétique ».
L’IFP Energies nouvelles rappelle, une énième fois, qu’il faut agir sur 3 thèmes pour atteindre la neutralité carbone : la sobriété énergétique (40% des gains potentiels selon l’AIE, un sacré défi vu la démographie mondiale), la décarbonation des technologies existantes (utilisation de ressources organiques, captage et stockage CO2) et les technologies bas-carbone (dont l’électro-mobilité ou la production d’électricité d’origine thermo-nucléaire font partie).
Source: Trmn24