“Je suis en politique depuis 25 ans et ce jour est le plus heureux de ma vie, nous sommes devenus de loin le premier parti” aux Pays-Bas. Geert Wilders n’a pas caché sa joie, mercredi 22 novembre au soir, au moment de célébrer la victoire de son parti d’extrême droite – le Parti de la liberté, PVV – aux législatives néerlandaises.
Après 98 % des voix dépouillées, le PVV a remporté 37 sièges sur 150, loin devant les 25 sièges de l’alliance travaillistes-écologistes dirigée par l’ancien commissaire européen Frans Timmermans, et les 24 sièges du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) du Premier ministre sortant Mark Rutte. Même s’il lui faudra trouver un accord avec d’autres formations politiques pour gouverner.
À 60 ans, Geert Wilders a d’ores et déjà remporté une victoire qui le fuyait depuis plusieurs années lors des derniers scrutins aux Pays-Bas. Son parti est maintenant en haut de l’affiche, et il tient à le faire savoir. Le PVV “ne peut plus être ignoré”, s’est enthousiasmé mercredi soir celui qu’on surnomme le “Donald Trump des Pays-Bas” ou “Captain Peroxide” – en référence à sa chevelure peroxydée semblable à celle de l’ancien président des États-Unis.
Au-delà de la ressemblance capillaire, les deux hommes partagent aussi un goût pour les propos outranciers et populistes. “Plutôt jovial au départ, l’homme s’est enfermé dans un rôle de croisé antimusulman, antiétranger, antieuropéen”, résumait Le Monde en 2017.
La haine de l’islam comme marque de fabrique
Geert Wilders est né en 1963 à Venlo dans le sud des Pays-Bas, près de la frontière allemande. Il a grandi dans une famille catholique avec son frère et ses deux sœurs. Sa mère est à moitié indonésienne, un fait qu’il mentionne rarement – et pour cause : l’Indonésie abrite la plus grande population de confession musulmane du monde.
Son intérêt pour la politique démarre dans les années 1980, selon son frère aîné. “Il n’était ni clairement de gauche ni de droite à l’époque, ni xénophobe. Mais il était fasciné par le jeu politique, la lutte pour le pouvoir et l’influence”, a raconté Paul Wilders au magazine allemand Der Spiegel en 2017.
Sa haine de l’islam semble s’être développée plus tard, dès les premières années de sa carrière politique démarrée comme député libéral du VVD en 1998. Après les attentats du 11 septembre 2001, puis l’assassinat du leader d’extrême droite néerlandais – et anti-islam – Pim Fortuyn un an plus tard, “Wilders comprend qu’il y a un coup à jouer et durcit son discours pour s’imposer en héritier de Fortuyn”, comme l’explique Mediapart.
Il quitte le VVD en 2004, la même année où le cinéaste polémiste critique des musulmans Theo van Gogh est assassiné. C’est à partir de ce moment que Geert Wilders est placé sous protection policière, après que les forces de l’ordre néerlandaises ont découvert qu’il était aussi sur la liste du meurtrier de l’arrière-petit-neveu de Vincent van Gogh.
“Captain Peroxide” fonde ensuite son parti actuel, le PVV, en 2006. La haine de l’islam devient alors sa marque de fabrique politique : il compare notamment cette religion au nazisme et le Coran à “Mein Kampf” d’Adolf Hitler, ce qui lui vaut d’être poursuivi en justice pour incitation à la haine. En 2008, il diffuse sur Internet un film décrié, “Fitna”, qui provoque de vives réactions dans le monde musulman. D’une durée de quinze minutes, la vidéo fait l’amalgame entre islam et terrorisme, mêlant des versets du Coran à des images d’archives des attentats du 11-Septembre, de Madrid et de Londres.
Lui revendique à chaque fois la “liberté d’expression”. Mais il finit par être condamné pour discrimination en 2016 pour avoir promis “moins de Marocains” aux Pays-Bas. Cela ne l’empêchera pas ensuite de traiter les Marocains de “racailles” ni de proposer des concours de caricatures du prophète Mahomet.
Vie sous protection, “Nexit” et manifeste xénophobe
Menacé de mort à de multiples reprises, Geert Wilders vit reclus depuis des années et entouré d’un dispositif de sécurité conséquent lorsqu’il se déplace, comme lorsqu’il est allé voter mercredi à La Haye.
Pour compenser son absence physique, le “Donald Trump des Pays-Bas” mise notamment sur les réseaux sociaux (plus de 1,2 million d’abonnés actuellement sur X) pour diffuser ses idées populistes. Le premier succès électoral de son parti a lieu lors des législatives de 2010, où le PVV s’impose comme la troisième force politique du pays derrière le VVD et le Parti travailliste.
Il a ensuite une “courte expérience de coalition de droite rapidement avortée” avec le VVD et les chrétiens-démocrates entre 2010 et 2012, comme le rappelle le média suisse RTS.
Outre ses idées islamophobes et xénophobes, Geert Wilders est aussi hostile à l’UE et à l’euro, et se déclare donc favorable au “Nexit” – la sortie des Pays-Bas de l’Europe. Cela ne l’empêche pas d’être candidat aux européennes de 2014 et d’être élu au Parlement européen, où il ambitionne de créer un groupe europhobe aux côtés de Marine Le Pen – qui a d’ailleurs été l’une des premières à le féliciter après sa victoire mercredi. Un projet qui avait pour ambition de “détruire de l’intérieur” l’UE.
S’il est proche de plusieurs mouvements d’extrême droite européens, Geert Wilders n’appartient pas à ce courant idéologique par tradition. Le leader populiste a un visage plus lisse que ses acolytes européens sur des questions de société, défendant notamment la lutte contre l’homophobie et le droit à l’avortement.
Durant cette campagne pour les législatives, Geert Wilders a tenté de mettre en sourdine sa rhétorique anti-islam et anti-UE et de se concentrer sur d’autres préoccupations des électeurs que l’immigration, comme la hausse du coût de la vie, afin d’élargir son électorat.
Malgré un discours policé de façade, le manifeste du PVV a conservé dans cette campagne le ton xénophobe cher à Geert Wilders depuis plus de 20 ans. On pouvait notamment y lire : “Les demandeurs d’asile se régalent de délicieux buffets gratuits à bord de bateaux de croisière tandis que les familles néerlandaises doivent réduire leurs courses.” Chassez le naturel, il revient au galop. Mais cette fois comme premier parti des Pays-Bas.
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