« Nous voyons depuis mercredi une multiplication des alertes, des fausses alertes à la bombe dans nos aéroports. Et je veux le dire très clairement : les petits malins ou les petits plaisantins qui se livrent à ce genre de jeu sont en fait de gros abrutis, voire de grands délinquants » : Clément Beaune, le ministre des Transports, a opté pour un langage clair et sans équivoque face à la presse, vendredi 20 octobre, après de multiples nouvelles fausses alertes à la bombe, notamment dans des aéroports.
À quelques heures du début des vacances de la Toussaint, le transport aérien a été perturbé pour la troisième journée consécutive. Mercredi, 17 aéroports avaient reçu des menaces, dont 15 ont été évacués, conduisant notamment à l’annulation de 130 vols et à d’innombrables retards. Jeudi, 25 aéroports ont fait l’objet d’une alerte et des mesures d’évacuation ont été prises dans 19 d’entre eux, a révélé Clément Beaune depuis le siège de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) à Paris. Et ce vendredi, ce sont donc 18 aéroports en régions qui ont été visés, dont dix ont été évacués.
Jusqu’à trois ans d’emprisonnement et des dizaines de milliers d’euros d’amende
Une « situation inacceptable » pour le ministre, qui avertit : « Que tous ceux qui pensent faire une mauvaise blague, faire peur, sachent que c’est un délit qui est très sérieusement et très lourdement sanctionné, qu’ils seront identifiés, et chacun d’entre eux sera sanctionné. C’est deux à trois ans d’emprisonnement qui sont encourus et plusieurs dizaines de milliers d’euros d’amende. »
Ces sanctions, « nous n’hésiterons pas à les appliquer », renchérit Clément Beaune. Jeudi 19 octobre, dans la soirée, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait évoqué 18 interpellations en 48 heures en lien avec ces alertes, qui touchent aussi des établissements scolaires ou des lieux touristiques.
Depuis une semaine le musée du Louvre a été évacué une fois, le château de Versailles une 5ᵉ fois à nouveau ce vendredi. Emmanuel est guide conférencier dans ces deux musées et il a vécu deux évacuations.
Même si ce ne sont que des fausses alertes jusqu’à présent, l’ambiance est pesante. Ce n’est pas totalement rassurant. Je ne voudrais pas prendre de risques inutiles.
Ces alertes, très nombreuses depuis l’attentat qui a coûté la vie à l’enseignant Dominique Bernard à Arras le 13 octobre, sont scrutées de près par les autorités chargées de la cybersécurité. Celles-ci ont mis en place des moyens conséquents pour identifier les auteurs de ces fausses alertes. Damien Bancal, fondateur du site Zataz et spécialiste en cybercriminalité, dresse, au micro de Dominique Desaunay, les trois profils principaux de mauvais plaisantins :
« Le premier, c’est le collégien. Celui qui veut faire une blague, comme il le pense. Il va utiliser une adresse mail ou un téléphone et va lancer son alerte.
Ensuite, on a l’aspect politique, avec des gens qui ont trouvé ce moyen pour manifester ou mettre du trouble à l’ordre public en diffusant ce genre de message.
Et après, on a des activistes. Prenons un exemple concret : on a vu passer des messages sur Telegram d’activistes pro-russes qui trouvaient très intéressante cette méthode pour perturber la politique interne d’un pays. »
« Ceux qui se pensent anonymes font une grave erreur »
Quels que soient les moyens utilisés pour lancer ces fausses alertes, leurs auteurs courent de gros risques, car les autorités ne manquent pas de moyens pour les traquer et les retrouver.
« Pour les appels téléphoniques, nos autorités ont plein de possibilités. La plus classique, c’est l’adolescent qui utilise son téléphone portable ou celui d’un proche ; c’est simple, il suffira de faire appel à l’opérateur et de retrouver le légitime propriétaire du téléphone, qui devra s’expliquer », explique Damien Bancal, qui ajoute : « La problématique, c’est le temps, car il y a eu énormément d’appels. Mais il existe aussi des outils sur internet qui peuvent permettre d’usurper un numéro de téléphone. »
« Pour les courriers électroniques, ça peut être encore plus simple de remonter au diffuseur. Il suffit juste de regarder de quel endroit le message est parti : l’adresse IP, potentiellement la géolocalisation… », reprend-il.
Quoi qu’il en soit, les auteurs de fausses alertes ne doivent pas se croire protégés par le mythe de l’anonymat du web, prévient Damien Bancal : « Les gens qui pensent être anonymes derrière ce genre de malveillance font une grave erreur. Les autorités, si elles mettent les moyens, remonteront et tireront la ficelle jusqu’au bout. »
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