Pollution Dans Le Métro Parisien : Découvrez Les Mesures inédites De La Qualité De L’Air Dans Votre Station

0 53


Aquel point l’air que l’on respire dans le métro parisien est-il pollué ? Répondre avec précision à cette question était jusqu’à présent difficile. Mais une campagne de mesures inédites, menée dans le cadre d’un documentaire de la série “Vert de rage” diffusée sur France 5, vient apporter de nouveaux éléments au dossier très sensible de la qualité de l’air dans les transports en commun. Des particules fines ont été mesurées à des niveaux jusqu’à 19 fois plus élevés que le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un écart de 1 à 100 a également été constaté d’une station ou d’une ligne à l’autre. Les résultats de cette étude, révélés par franceinfo, dessinent une cartographie inédite de la pollution de l’air dans le métro de la capitale.

Ces mesures ont été réalisées en collaboration avec Jean-Baptiste Renard, directeur de recherches au CNRS et patron du comité scientifique de l’association Respire, qui lutte depuis des annéespour une meilleure qualité de l’air dans le métro. Pour la première fois, ces travaux documentent la pollution de l’air dans la totalité des stations du métro parisien, et sur les quais du RER de la petite couronne. Ils s’intéressent aux particules PM2.5, dont le diamètre est inférieur ou égal à 2,5 microns. Ces particules les plus fines sont celles qui présentent le plus de risque de s’infiltrer dans nos poumons, notre sang et nos organes.

Pas moins de 40 000 décès par an “peuvent être attribués à cette exposition en France”d’après Santé publique France. En moyenne, la présence de ces particules fines a été mesurée à 24 microgrammes par mètre cube ( μg/m3), soit près de cinq fois le seuil de 5 μg/m3 recommandé par l’OMS depuis 2021.

Sur les quais, l’air du métro est près de deux fois plus pollué que l’extérieur

L’étude a tenté de déterminer à quel point l’air respiré par les usagers du métro était plus pollué que celui des rues de la capitale. Cette surpollution, engendrée par la circulation des rames, correspond à l’écart constaté entre les mesures effectuées à l’intérieur des stations et à l’extérieur (lire notre méthodologie à la fin de l’article). En moyenne, la surpollution constatée sur les quais est de 10,5 μg/m3, soit plus de deux fois le seuil fixé par l’OMS. Sur l’échantillon étudié, l’air du métro est près de deux fois plus pollué que l’air extérieur.

Les mesures révèlent que la surpollution dépasse les 20 μg/m3 dans 68 stations du réseau parisien. Belleville, sur la ligne 2, est l’arrêt où elle a été mesurée à un niveau le plus élevé, avec 60 μg/m3 de particules fines en plus par rapport à l’air en surface ce jour-là. La Défense, sur le RER A, affiche également une très forte différence (+57 μg/m3) entre intérieur et extérieur. Afin de savoir si les stations que vous empruntez sont les plus exposées, vous pouvez consulter notre carte ci-dessous. 

A l’inverse, les mesures montrent que dans 45 stations, l’intérieur est moins pollué qu’à l’extérieur. Mais attention, ces points (qui apparaissent en bleu sur la carte ci-dessus) ne sont pas, pour autant, synonymes d’une bonne qualité de l’air. Ainsi, à la station Bibliothèque-François-Mitterrand, sur la ligne du RER C, par exemple, l’air intérieur est certes moins pollué que l’air extérieur, mais la pollution sur le quai s’élève tout de même à 48 μg/m3.

Cette cartographie du métro parisien dessine une moitié de réseau, à l’Est, plus touchée par la pollution. A l’échelle des lignes dans leur ensemble, la 5 est en moyenne la plus surpolluée, avec 18 μg/m3 de particules fines supplémentaires. Vient ensuite le RER A, sur la section étudiée, avec 17 μg/m3 de surpollution. Et la ligne 9, où 16 μg/m3 de particules fines PM2.5 ont été relevées. Pour consulter les informations de toutes les stations d’une ligne, vous pouvez utiliser notre moteur de recherche ci-dessous. 

Cette pollution aux particules fines à l’intérieur du métro est d’abord la conséquence de la pollution extérieure. La ventilation passive dans certaines stations diffuse l’air de la rue sur les quais. Par conséquent, plus l’air de la ville est pollué, plus celui du métro le sera. Mais une grande partie des particules fines vient aussi du fonctionnement même du métro. Aux particules de carbone provenant des pots d’échappement des véhicules à moteur, s’ajoutent ces poussières, notamment métalliques, issues de l’usure des rames, de leurs pneus et de leurs freins. “Cette pollution est causée par l’usure des matériaux due au freinage des rames, par les contacts entre le matériel roulant et la voie ferrée ou encore par la remise en suspension des poussières du fait de la circulation des rames”notait l’Anses en juin 2022.

La profondeur à laquelle la station se trouve, sa date de construction ou de rénovation, son type de ventilation ont aussi une incidence, listait l’Anses dans son rapport publié il y a un an (en PDF) . De même que la configuration de ses entrées et sorties ou de la présence de portes coulissantes entre le quai et la rame. Tous ces facteurs – indépendamment de la date à laquelle la mesure a été réalisée – permettent de comprendre pourquoi, dans une même station, des chiffres très différents ont pu être relevés selon la ligne concernée (comme c’est le cas pour Belleville, par exemple).

Pas de seuil maximal légal pour les PM2.5

La loi française ne fixe pas de seuil maximal pour la pollution aux particules fines PM2.5 dans les transports ferroviaires souterrains. On trouve une telle valeur réglementaire dans seulement deux pays : à Taïwan, où elle a été fixée à 35 μg/m3 (109 stations parisiennes dépassent ce seuil dans notre échantillon), et en Corée du Sud, où elle est établie à 50 μg/m3 (14 stations au-dessus dans notre étude).

En France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a fixé, en 2013, pour l’air intérieur seulement, une valeur repère de 10 μg/m3 pour les PM2.5. Pour l’air extérieur, la France dispose de seuils purement indicatifs, qui n’ont qu’une valeur d’objectif, variant entre 10 et 25 μg/m3. Les recommandations de l’OMS, elles, conseillent de ne pas dépasser les 5 μg/m3 en moyenne sur une année (la quasi-totalité des stations dépassent ce niveau), et 15 μg/m3 sur 24 heures (un seuil dépassé par deux tiers des stations).

Depuis plusieurs années, la RATP mesure elle-même ces particules fines PM2.5 dans deux stations du RER A : à Auber et Nation. Dans la première, d’après les calculs de franceinfo, la moyenne de la pollution aux heures de pointe depuis le 1er janvier 2022 est de 69 μg/m3. La concentration en PM2.5 a même dépassé les 100 μg/m3 à 84 reprises. A Nation, la moyenne est de 44 μg/m3. 

La RATP conteste la méthodologie de l’étude

Contactée par franceinfo, la RATP pointe la méthodologie de l’étude de “Vert de rage” et le fait qu’il s’agisse de mesures ponctuelles, qui ne permettent pas de connaître l’évolution des concentrations en particules fines sur une période plus longue. “Ce type de mesures doit être réalisé sur la base de protocoles scientifiques validés, et à l’aide d’appareils de mesure de référence”, souligne Sophie Mazoué, directrice de la Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). La RATP affirme également que d’après ses calculs, la qualité de l’air dans ses espaces respecte les “valeurs indicatives” de concentration en particules fines, définies par l’Anses, mais sans préciser les seuils exacts retenus.

La régie insiste aussi sur ses dispositifs de surveillance de la qualité de l’air et ses ambitions pour l’améliorer dans ses espaces. Notamment via le déploiement de ventilateurs ou de systèmes de freinage électrique, moins émetteurs de particules fines, sur les nouvelles rames. Ou encore l’expérimentation de solutions innovantes comme l’installation de nouvelles garnitures de freinage ou des solutions de filtration des particules. Le sujet est d’autant plus sensible qu’en avril dernier, une enquête préliminaire a été ouverte pour “mise en danger d’autrui et tromperie sur une prestation de service entraînant un danger pour la santé de l’homme” par le parquet de Paris, après une plainte de l’association Respire déposée en 2021.

De nombreuses interrogations pèsent sur les effets de cette mauvaise qualité de l’air sur la santé. Dans son avis publié en mai 2022, l’Anses évoquait “un corpus de connaissances trop limité pour pouvoir tirer des conclusions fermes sur d’éventuels effets sanitaires de l’exposition des usagers à la pollution de l’air” des enceintes ferroviaires souterraines, mais suggérait “la possibilité d’effets sur la fonction cardiaque autonome” et “l’inflammation des voies respiratoires”. Quelles que soient ces zones d’ombre scientifiques, l’Anses encourageait vivement à la réduction de la pollution de l’air dans le métro.

La Source: franceinfo

Leave A Reply

Your email address will not be published.