Au Québec, Tout N’est Pas Sombre Pour Le Français en Enseignement Supérieur

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Le portrait est en demi-teinte : si le français est la langue d’accès au savoir dans l’enseignement supérieur, la recherche, elle, se fait à près de 80 % en anglais.

Le premier rendez-vous sur l’état du français en enseignement supérieur, s’est tenu à Montréal cette semaine. L’occasion de présenter les résultats d’une étude sur sa place dans la recherche scientifique et dans l’enseignement au cégep (premier niveau de l’enseignement supérieur) et à l’université.

Et “non, notre constat n’est pas que négatif, pas du tout!“, clame haut et fort Olivier Bégin-Caouette, chercheur principal du rapport de recherche.

On vient nuancer la thèse dominante du déclin du français dans la science.

Olivier Bégin-Caouette, chercheur

La science se lit et s’étudie pour l’essentiel en français dans les études supérieures, conclut l’étude du Laboratoire interdisciplinaire de recherche sur l’enseignement supérieur (LIRES).

En effet, le rapport de recherche, qui a utilisé les réponses fournies par plus de 800 enseignants, conclut que 96 % des ouvrages obligatoires que les étudiants doivent lire au cégep sont en français, alors que, dans les universités, cette proportion est de 74 %.

Même la documentation utilisée pour préparer les cours est principalement en français, précise Olivier Bégin-Caouette, en entrevue lors du FranColloque, le premier rendez-vous sur l’état du français en enseignement supérieur, organisé en partenariat avec la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Il y a un enseignement qui se fait encore en français, en raison de politiques institutionnelles sévères, parce qu’il y a un caractère francophone qu’on préserve“, résume le chercheur.

Un fossé entre la langue d’enseignement et la langue de recherche

Mais tout n’est pas rose pour le français. Là où le bât blesse, c’est en matière de publication scientifique, principalement dans le milieu universitaire.

La publication en anglais est de plus en plus hégémonique, confirme l’étude du LIRES. 79 % des participants au rapport de recherche jugent important de publier en anglais, contre 57 % en français.

Et seulement 21 % des articles scientifiques produits par des Québécois dans des établissements francophones sont en français.

La présence du français est d’ailleurs plus ou moins marquée selon la discipline. La publication dans les domaines des sciences naturelles, du génie et des mathématiques, par exemple, se fait rarement en français.

On a réalisé qu’il y a un écart qui se crée entre ce qu’on produit comme connaissances et ce qu’on enseigne dans nos cours. Il faut raffermir ce pont entre enseignement et recherche.

Olivier Bégin-Caouette, chercheur

Pour ce faire, lui et ses collègues recommandent d’améliorer la valorisation, la découvrabilité et le financement de la recherche réalisée et diffusée en français. “Il y a aussi un changement de culture à opérer, poursuit-il, pour que disparaisse la perception parfois négative que les chercheurs ont envers la publication en français“.

Pressions nombreuses pour publier en anglais

Martin Maltais, professeur à l’Université du Québec à Rimouski, le confirme d’emblée : les pressions pour publier en anglais viennent de partout. Publier en anglais, c’est un gage de financement, de visibilité, de rayonnement, de notoriété aussi, selon lui.

Tout l’écosystème intensifie l’activité et la vie en langue anglaise dans les milieux universitaires.

Martin Maltais, professeur en financement et politique de l’éducation

Ce qu’on vit, c’est exactement ce qui est rapporté dans l’étude“. Il donne l’exemple d’un ouvrage dont il est l’auteur et dont il a tenté de publier une version en français. Il explique avoir essuyé un refus de la part de la maison d’édition. “Le marché est trop petit” et “de toute façon”, les professeurs lisent tous en anglais, s’est-il fait dire.

Voilà une anecdote parmi tant d’autres qui montre bien à quel point l’anglais domine la recherche universitaire, d’après lui. “Il n’y a pas de mécanisme de soutien à la traduction en langue française ni de mécanisme de promotion pour soutenir et valoriser la recherche en français”, déplore-t-il.

Pourquoi publier en français ?

En allocution d’ouverture du FranColloque, le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, le martèle : “Il faut valoriser davantage les publications scientifiques en français“. Le positionnement du Québec pour faire cette promotion est privilégié, insiste-t-il.

Mais pourquoi publier en français, si la langue dominante et les échanges internationaux se déroulent en anglais, et alors que les outils technologiques permettent de traduire rapidement et assez adéquatement de complexes articles scientifiques?

C’est en effet une question qu’on doit se poser comme société!“, répond Olivier Bégin Caouette. “Soit on se résigne à tout publier en anglais, à exprimer nos idées dans une langue qui n’est pas la nôtre. Soit on refuse de faire ça“.

Pour être capable d’échanger avec le public, répond de son côté Rémi Quirion, qui travaille activement depuis des années à créer une francophonie scientifique mondiale forte. C’est de l’argent public qui finance la recherche, après tout“.

Il ajoute qu’il est important de le faire pour rendre la science accessible à tous, car on oublie trop souvent que ce n’est pas tout le monde qui maîtrise la langue de Shakespeare.

Il faut se dire qu’on peut publier en français. Il faut en être fier! 

Rémi Quirion, scientifique en chef du QuébecIl milite présentement auprès des décideurs à Québec en faveur de la création d’une nouvelle revue multidisciplinaire en français. Il compte bien aborder le sujet lors du forum La science en français au Québec et dans le monde, qui se tiendra à la fin d’avril au Palais des congrès de Montréal.

Source: Tv5monde

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