Le résultat de la partielle de lundi en dit autant sur la solidarité entre solidaires que sur la dérive des libéraux. Notre collaborateur analyse la suite pour les deux partis.
Les ondes de Saint-Henri–Sainte-Anne
Le résultat de la partielle de lundi en dit autant sur la solidarité entre solidaires que sur la dérive des libéraux. Notre collaborateur analyse la suite pour les deux partis.
Ils étaient des centaines, lundi, à arpenter les rues de la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne afin d’inciter les gens à aller voter en faveur de leur candidat ou candidate de cœur. Militants de tous les partis, ils ont bravé la pluie pour aller chercher les votes, un à un, dans une élection qui s’annonçait serrée.
De ce contingent, les solidaires étaient les plus nombreux. Et l’organisation du parti avait prévu un petit extra pour les stimuler alors qu’ils continuaient leur ascension des escaliers en colimaçon si emblématiques de Montréal.
Sur chaque planchette à pince, les bénévoles avaient une copie de la projection de début mars du collègue Philippe J. Fournier pour cette circonscription. Elle disait que libéraux et solidaires étaient nez à nez. C’était un argument de taille pour les électeurs, à qui on rappelait que chaque vote allait compter, mais aussi pour les bénévoles, qui étaient ainsi motivés à poursuivre leur mobilisation.
Imprimer une page avec deux chiffres identiques pour rappeler que la lutte serait serrée peut paraître futile, mais il y avait nécessité pour les solidaires. Gabriel Nadeau-Dubois était sous pression. Il avait lui-même placé la barre des attentes un peu haut pour les élections générales — ne parlait-il pas de devenir l’opposition officielle lors du dernier scrutin ? —, et les résultats ont déçu. Pour que la ligne centriste du chef convainque les membres les plus à gauche qu’elle pouvait porter ses fruits, il devait gagner la partielle. Et il s’est organisé pour le faire.
On m’a dit qu’alors que la campagne tirait à sa fin, les solidaires cognaient à 1 200 portes par jour afin de toucher leurs électeurs. C’est énorme. En cette période où de moins en moins de foyers possèdent une ligne fixe et sont joignables, disposer d’une machine huilée qui peut atteindre les gens chez eux est primordial.
Le résultat a été spectaculaire. Guillaume Cliche-Rivard est ainsi allé chercher 87 % des votes obtenus le 3 octobre 2022 (environ 7 900 votes lundi, contre 9 000 en octobre). En partielle, lorsque le taux de participation est famélique (31 % lundi, contre 58 % en octobre), c’est plus que suffisant pour l’emporter.
Ce résultat crée des ondes qui toucheront tous les partis. Pour Québec solidaire, évidemment, c’est la joie. J’en retiens surtout que les électeurs solidaires étaient motivés. Ils avaient faim, ils savaient pourquoi ils votaient et avaient envie de se rendre aux urnes. C’est la variable la plus importante en partielle.
Le résultat achète du temps et de l’espace pour leur chef. Une fois la poussière retombée, il pourra se présenter devant les prochaines instances, en juin, en soulignant qu’alors que le PQ et les libéraux ont subi des défaites majeures (quoi qu’en dise le PQ, le résultat de 2022 est le pire de l’histoire du parti, tant en pourcentage qu’en nombre de sièges), QS sort de la campagne de 2022 avec deux députés supplémentaires — le caucus est 20 % plus grand qu’en 2018. Ce n’est pas ce qui était voulu, mais la formation est la seule à avoir résisté à la lame de fond caquiste.
Pour les libéraux, c’est différent. Ils devaient gérer de la décroissance. Moins d’argent, moins de militants, moins d’entrain. C’était le cas avant le déclenchement de la partielle, et c’est encore vrai aujourd’hui. Le problème est profond : quel est le ressort qui pousse un électeur libéral à aller voter ? L’économie ? C’est maintenant la CAQ qui occupe le créneau. La défense des droits des minorités ? Désormais, QS incarne davantage le thème. La peur du référendum ? Ça n’a pas semblé émouvoir les électeurs anglophones de Saint-Henri–Sainte-Anne.
Le PQ pourra traverser de mauvaises années, il restera toujours l’indépendance pour nourrir son discours et motiver ses troupes. Le PLQ n’a pas d’idée aussi forte au centre de son action. Le moteur est brisé.
À mon sens, une course à la direction rapide est la prochaine étape. D’abord pour faire un état des lieux. Où en est le PLQ en 2023 ? Quelles sont ses idées phares ? Quel sera son positionnement en 2026 ? Ensuite, voyons voir qui souhaite reprendre le parti. Une grande personnalité du monde des affaires ? Que des députés actuels ? Le résultat de lundi pourrait faire office de repoussoir pour bien des candidats qui étaient tentés…
Et puis, gare à une autre course qui se terminerait trop tôt, sans avoir vidé des questions de fond — ce fut le cas en 2020, Dominique Anglade n’ayant pas eu d’adversaire. L’exercice qui s’amorce est périlleux, mais nécessaire. On ne peut maquiller le manque de discussions sérieuses par du marketing efficace. Ça fonctionne durant un moment, mais ce n’est pas viable. Oui, un tel processus est long. Oui, ça demande que le parti investisse du temps, de l’énergie et de l’argent. Il n’en demeure pas moins qu’on s’en voudrait de mettre un terme à 150 ans d’histoire politique parce qu’on a voulu faire l’économie de quelques débats.
L’élection partielle de lundi nous enseigne aussi que le Parti québécois continue de surpasser les (maigres) attentes. En terminant devant la CAQ par 364 votes — ce dont on rêvait en coulisses —, il se rappelle au bon souvenir du gouvernement. Coucou, c’est encore nous ! Nous qui utilisons au mieux nos quelques questions pour revenir toujours sur les mêmes enjeux, comme la langue et l’indépendance.
J’écoutais Paul St-Pierre Plamondon poser ce qui m’apparaissait comme la 150e question sur le même dossier, récemment. Je roulais des yeux en me disant que ça ne donnerait rien. Je me suis ensuite rappelé les dizaines et dizaines de questions de François Legault sur l’harmonisation de la taxe scolaire en 2016 et 2017. On en riait, sur les autres étages de l’Assemblée nationale. Puis, il s’est passé quelque chose. Ça a fonctionné. Comme quoi quand on sait qui l’on est, les perspectives s’ouvrent.
Source: Lactualite